Par Konami, le 22 décembre 1989, sur Famicom – Ceux qui me connaissent le savent : je considère cet Akumajô Densetsu comme le plus grand jeu vidéo de tous les temps. Au moins, le décor est posé. Après avoir programmé un second épisode orienté aventure et très différent du premier opus (à une époque où le terme « suite » ne signifiait pas systématiquement version 1.5), Konami se rétracte et met en chantier l’érection d’un « nouvel » épisode 100% action. Nouvel entre guillemets puisque celui-ci se contente de répéter, dans les grandes lignes, le tout premier volet de la saga, en approfondissant toutes ses composantes. En résulte un titre étonnamment profond et à l’ambiance unique. Une des plus belles cartouches de la Famicom et un des colosses de la courte histoire des jeux vidéo.

Project Dracula III

Après avoir testé pas mal de choses comme le jeu d’aventure, un épisode arcade ou une version nomade, les développeurs signent avec ce Castlevania III un grand retour aux sources, comme pas mal de séries de l’époque (Rockman, Final Fantasy…). Néanmoins, malgré les apparences, cet opus est bien plus approfondi que son illustre prédécesseur, à commencer par son nombre de niveaux conséquent, à savoir seize au total. Dans les faits, vous n’aurez qu’à en traverser dix avant d’en découdre avec ce bon vieux Vlad puisqu’il faut ponctuellement choisir l’embranchement à emprunter. Cela donne beaucoup de relief au titre que l’on ne boucle ainsi pas en une seule et unique partie. D’ailleurs, même s’il n’est pas possible d’enregistrer sa progression, un système de mots de passe permet de reprendre à peu près là où on le souhaite, à condition de ne pas perdre sa feuille volante. Les niveaux sont également plus longs et mieux construits et même si l’ensemble du level design est relativement classique, il n’en est pas moins varié.

Le replay value est assuré grâce à un gameplay plus que varié, puisque le titre vous place aux commandes de quatre personnages. Du jamais vu dans la série. En plus de Ralph, l’illustre aïeul de Simon, qui se contrôle comme son lointain petit-fils (mêmes armes, mêmes objets secondaires, même physique, même absence d’énergie… Et presque même sprite !), on peut recruter un allié, un seul, parmi Grant, Sypha et Alucard. Tous les trois se contrôlent différemment : Grant, par exemple, a comme arme principale un couteau et il est donc sympathique à jouer pour détruire les ennemis à distance. De plus, il est agile et peut s’accrocher aux murs et aux plafonds, ce qui tranche avec l’austérité des contrôles de Ralph. Sypha n’a que très peu d’allonge et perd vite ses PV mais ses magies sont destructrices, notamment ses boules d’énergie à tête chercheuse ou son sort de glace qui permet de transformer en plateforme tout ennemi ou projectile (boss exclus). Reste Alucard qui peut se métamorphoser en chauve-souris et par la même éviter les phases de plateformes trop pointues pour le joueur du dimanche. Pour changer de personnage au cours du jeu, il suffit d’appuyer sur Select, mais sachez que vos deux héros partagent la même barre de vie et leurs cœurs.

Après l’effort, le réconfort

Un point sur lequel Castlevania III a beaucoup évolué sur ses aînés est le plaisir de jeu qu’il offre. Il faut dire que la frustration provoquée par les épisodes JAMMA et Game Boy est si grande qu’après ces deux opus, n’importe quel rejeton de la franchise passerait pour une balade de santé. Mais ici, l’imprécision du gameplay n’est plus aussi fatale que par le passé. Le jeu est globalement plus facile, surtout que selon le personnage sélectionné, certaines zones sont franchies les doigts dans le naseau. Le système de mots de passe n’oblige pas au joueur de finir d’une traite le jeu ou de laisser votre console allumée toute la nuit, comme c’était trop souvent le cas à cet époque, et si vous ne supportez pas la physique de sire Ralph, vous pouvez toujours opter pour un autre personnage. N’imaginez tout de même pas que l’on est tombé dans l’extrême inverse, la difficulté est malgré tout résistante, voire plutôt élevée mais plus insurmontable comme c’était le cas dans quelques opus précédents…

Du côté de la réalisation, Castlevania III est une jolie démonstration des capacités de la Famicom. Son ambiance graphique baigne le titre dans une aura de mystère et d’inconnu. Les décors sont d’une variété impressionnante pour de la Famicom (aucun niveau ne se ressemble !) et le nombre de sprites différents fait plaisir à voir. On se retrouve à croiser le cuir avec plein d’ennemis bien distincts et pourtant, Dieu sait que le nombre de niveaux est élevé. D’ailleurs, pas mal de passages sont assez réussis, notamment dans la tour de l’horloge où il faut sauter sur des pendules géants, tout comme le passage de la cascade très convaincant visuellement. On est en 1989 sur un hardware déjà dépassé, rappelez-vous, pourtant le bon goût est à l’honneur avec un choix de couleurs pertinent et un graphisme relativement détaillé. Castlevania III se paye même le luxe de s’ouvrir sur une magnifique scène cinématique dont l’atmosphère est tout simplement exquise.

Nocturne au Clair de Lune

Mais ce qui confère à Castlevania III cette ambiance unique et si raffinée n’est autre que sa bande originale tout simplement mémorable. Bien avant Symphony of the Night, cet opus compilait des musiques tantôt rock, tantôt classiques et toujours inoubliables. Il faut savoir que la version japonaise de cet épisode est mise en musique grâce au processeur VRC6 qui permettait des sonorités de bien meilleure qualité. Vous me direz qu’à chaque épisode, j’écris la même chose, et vous avez raison. Mais ce Castlevania III est un condensé de pistes tellement plus réussies les unes que les autres qu’il m’est difficile de ne pas abuser de tous les superlatifs inimaginables. Rythmée, mystérieuse, épique et mélodieuse, cette bande originale ne cessera d’inspirer ses petites sœurs. Elle ne se contente pas de coller à l’ambiance, elle la fabrique. Elle n’est pas là pour soutenir l’action, elle rythme littéralement le jeu. Mélomanes en tout genre, je ne peux que vous recommander d’écouter cette bande originale, rien qu’une fois, parmi les plus grandes réussites musicales de la saga. La crème de la crème, en quelque sorte…

Peut-être moins connu que certaines de ses excellentes suites, notamment Super Castlevania IV ou Symphony of the Night, cet épisode numéro trois pourrait facilement prétendre au trône du meilleur épisode de la saga. La preuve de ses immenses qualités est qu’il ne prend aucune ride, malgré son grand âge ! Il faut dire que son feeling old-school est trompeur (je rappelle qu’il s’inspire très largement du premier épisode) puisque cet opus est en réalité empreint d’éléments très modernes et toujours d’actualité de nos jours, comme des embranchements ou la possibilité de jouer plusieurs personnages aux gameplays variés. Mais ce chef-d’œuvre reste surtout la référence en terme d’atmosphère. L’ambiance y est unique et des années après, on constate le grand nombre d’épisodes qui tentent de s’en inspirer. S’il n’est pas le premier opus, il n’en reste pas moins la référence et la source d’inspiration les plus évidentes.