Alan Wake
Par Remedy Entertainment, le 14 mai 2010, sur Xbox 360 et PC – Les Finlandais de Remedy n’ont pas chômé pendant les cinq (longues) années du développement d’Alan Wake. Si, d’apparence, la nouvelle création de Sam Lake évoque le genre très codifié du survivol horror, elle cache en réalité un fond de jeu beaucoup plus frais. Alan Wake, et ce malgré quelques errances dans son gameplay, offre véritablement une expérience novatrice et une narration des plus originales.
Même pas peur
L’erreur est de s’imaginer Alan Wake comme un Silent Hill ou un Biohazard. Il n’en est rien. Remedy a d’ailleurs bien insisté pendant le développement du titre qu’il s’agissait d’un thriller psychologique ; en réalité, nous sommes en face d’un jeu d’action à l’ambiance travaillée et à la sublime narration. Mais, je vous rassure mesdemoiselles, nous ne sommes pas en face de l’un de ces titres qui font agréablement frissonner votre demi-jambe épilée. Par ailleurs, les amoureux du gore ne trouveront pas non plus d’hectolitres d’hémoglobine, puisque, là encore, ce n’est pas le genre de la maison.
Le titre nous promène du côté de Bright Falls où le héros de l’aventure, l’écrivain Alan Wake, prend congé en compagnie de sa douce. Alice, puisque c’est son nom, espère en réalité que cette mise au green puisse rendre à sa poule aux œufs d’or l’inspiration de ses plus belles pages. Vous le comprendrez très vite, le romancier n’a plus une once d’imagination et sa carrière va à vau-l’eau à cause de ce syndrome de la page blanche. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, cette brave Alice va disparaître et plonger Alan Wake dans un cauchemar à dormir debout.
♪ Promenons-nous dans les bois
La majorité d’Alan Wake consiste à traverser Bright Falls, de nuit pour les scènes d’action, accompagné de votre lampe torche et de quelques armes. Son grand défaut est d’être extrêmement répétitif, aussi bien dans le level design que dans les affrontements. C’est en très majeure partie des sessions de footing en forêt que l’on enchaîne, agressé sur le chemin par des ombres malveillantes. Le système de combat, en lui-même, est tout à fait efficace, même si répétitif à la longue. Basé sur l’esquive et la contre-attaque, il requiert du jouer qu’il pointe sa lampe torche sur l’ennemi pour briser une barrière de ténèbres. Ceci fait, il ne reste plus qu’à abattre le monstre à coup de revolver et compagnie.
Pour se défaire de la racaille des alentours, Alan dispose d’un choix assez étoffé de joujoux. En plus des traditionnels pistolets et fusils, il possède un lance-fusées, qui explose les ombres dans un effet de lumière somptueux. Autre choix de choix dans l’arsenal : les fumigènes qui éloignent les ennemis et qui sont, également, très soignés sur le plan esthétique. À rendre jaloux le Vélodrome. Enfin, il reste la grenade incapacitante qui fait le ménage dans un flash de lumière. En cas de panne sèche, Alan peut simplement courir vers les sources de lumière qui parsèment sa route et qui lui rendent, en plus, ses points de vie. Le réel problème est que, hormis certains objets du décor qui vous attaquent, il n’y a pas de variété dans les ennemis, pas même un bête boss de fin de niveau. On se tape les mêmes ombres, encore et encore, jusqu’à plus soif.
Departure par Alan Wake
Bien évidemment, si Alan Wake s’est fait remarquer dans le milieu, ce n’est ni par son gameplay calibré ou la variété de ses situations. Ce qui le rend aussi unique, c’est tout le reste. À commencer par une histoire d’une grande maturité, un scénario qui laisse songeur et dont la structure est bouleversante. Sans vouloir gâcher tout suspens, le plus intéressant vient de la narration elle-même. En effet, Alan finit par ramasser, sur son passage, des pages de son futur roman Departure. Toute la beauté de la chose est de lire des scènes-clés du dit-roman et de les vivre quelques minutes après. L’expérience est originale et l’effet sur le joueur est efficace, à tel point que l’on se met activement à la recherche du script du bouquin.
Le casting est lui-même très réussi avec des personnages parfois un peu trop caricaturaux mais qui apportent beaucoup à la sémiotique du jeu. D’ailleurs, les jeux d’acteurs sont excellents et le doublage français est une réussite. Il paraît que les doubleurs prêtent leurs voix à des personnages célèbres mais je n’en ai, hélas, reconnu aucun. Toujours est-il qu’on s’attache à tout ce petit monde, même à l’agent insupportable d’Alan, c’est dire. À côté de ça, on nous sert une mise en scène raffinée digne des heures de gloire de Silent Hill. La mise en abyme est très prononcée et, en plus de vivre le roman dans le jeu, on suit à intervalles réguliers des émissions de la Zone X (une parodie de la Quatrième dimension) et des émissions radio qui renforcent l’univers pour rendre l’expérience plus prenante et plus crédible.
Le diable est dans les détails
Alan Wake est également bonifié par une foule de petites trouvailles. Je ne vais d’ailleurs pas entrer dans les détails, justement, puisque ça pourrait gâcher une partie de la découverte. Mais le tout devient toujours plus cohérent, plus crédible et plus intéressant. Entre les flash-backs qui nous content le passé de l’écrivain, les archives et les documents que l’on trouve ici et là et tout un tas de scènes et d’évènements plus symboliques qu’autre chose, on ne peut pas rester insensible à cette œuvre à la maturité rarement égalée. Même répétitif dans son déroulement, imparfait dans son gameplay et loin d’être techniquement insurpassable, Alan Wake est à mon humble avis le jeu fort de la génération de console, tout simplement. Voilà qui explique les cinq longues années de développement…